Simone Veil, un portrait intime sur France 3

SIMONE VEIL, ALBUMS DE FAMILLECelle qui deviendra, en juillet, la cinquième Française à entrer au Panthéon, fut aussi une enfant agitée, une adolescente brisée par la déportation, une épouse aimante… Ses fils ont ouvert ses albums de famille, révélant des archives poignantes qui éclairent son parcours. A découvrir à 20h55 sur France 3, ce mercredi 27 juin.

Lorsqu’en juin 2017 le réalisateur Hugues Nancy pénètre pour la première fois dans l’appartement que Simone Veil occupa près d’un demi-siècle durant, 11 place Vauban à Paris, une surprise de taille l’attend : la totalité de ses albums photographiques sont étalés sur la grande table de la salle à manger. Ils ont été mis à sa disposition par Jean et Pierre-François Veil. Les enfants de la ministre de la Santé de Valéry Giscard d’Estaing ont d’abord été réticents à l’idée d’occuper une place centrale dans ce projet de Nancy de composer un grand portrait patrimonial de leur mère. « A l’époque, Simone Veil, 89 ans, gravement malade, était médicalisée. Et leur père, Antoine Veil, n’était plus là. Ils avaient le sentiment d’avoir à porter une histoire trop lourde pour eux, se souvient le réalisateur. Mais à partir du moment où Jean et Pierre-François m’ont dit oui, la confiance qu’ils m’ont accordée fut totale. »

Alors, tous trois feuillettent les souvenirs anciens dans ce lieu si particulier, véritable cœur battant de l’existence des Veil, toutes générations confondues. Hugues Nancy savoure l’instant. L’auteur de François Mitterrand, albums de famille et Picasso, l’inventaire d’une vie est convaincu qu’on ne parvient jamais aussi près de la vérité d’une personne qu’à travers le regard de ses proches. « L’esprit de Simone Veil planait au-dessus de nous, c’était troublant. » En recueillant la parole des siens, le réalisateur a pour ambition de « remettre les choses dans l’ordre », comme il dit. Car notre regard sur Simone Veil serait faussé. Nous l’avons connue femme forte : survivante des camps de la mort, avocate déterminée du texte de loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), infatigable militante de la lutte contre les discriminations des femmes. Mais Simone Jacob n’est pas née Simone Veil. « J’ai voulu montrer ce qui avait été détruit en elle. Et en quoi cette destruction, fondamentale, a conditionné ce que sera sa vie. »

“Comment expliquer qu’une personnalité politique s’élève à ce point au-dessus de la mêlée, par-delà les passions partisanes ?”

Au 11 place Vauban, deux albums retiennent en particulier son attention. Le premier, annoté par Simone Veil, contient les photos de son enfance. Ce sont les années bonheur auprès d’une mère aimée à la folie et d’un père vénérant la littérature (mais pas la musique, trop futile !). Inscrite chez les scouts (laïques) avec ses sœurs, Milou et Denise, ainsi que son frère, Jean, la jeune et turbulente Simone, dernière de la fratrie, a pour nom de totem « lièvre agité ». Point de signes religieux sur ces clichés sépia des années trente. Chez les Jacob, on est avant tout républicain. Et lorsque la guerre éclate, qu’en 1940 le régime de Vichy entreprend de recenser les Juifs de France, on se rassure : que peut-il donc arriver aux Jacob, eux qui ont versé leur sang pour le pays ? Du haut de ses 14 ans, Simone s’oppose à l’assurance paternelle. Une inquiétude sourde la ronge. « Je pressentais que nous ne passerions pas à travers les mailles du filet », confiera-t-elle plus tard.

De gauche à droite : Simone, Denise, Jean et Madeleine Veil à Nice, au début des années trente.

Le deuxième album, « très touchant », dit Hugues Nancy, a été constitué par les parents d’Antoine Veil, l’homme qu’elle a connu à l’hiver 46 sur les bancs de Sciences Po et qui deviendra son mari. La rencontre, le mariage, la naissance de leurs trois garçons, Jean, Claude-Nicolas, Pierre-François. La vie heureuse à Wiesbaden – Antoine y est employé au consulat –, dans cette Allemagne qui l’a anéantie et où se joue désormais sa nouvelle existence. Certes, Simone Veil est taraudée par la culpabilité des survivants. Elle porte à jamais dans sa chair l’effroi d’avoir enduré Auschwitz et la tristesse infinie d’avoir perdu sa mère, son père, son frère. Néanmoins, sa vie de femme au foyer la rend heureuse. « C’est l’album de la renaissance… »

Pièce par pièce, Hugues Nancy reconstitue le grand puzzle Simone Veil. Et dessine cette trajectoire hors du commun qui aboutit ce 1er juillet 2018 au Panthéon, où elle reposera avec son mari, Antoine. Ce faisant, le réalisateur poursuit une autre ambition : « Je voulais résoudre le mystère de sa notoriété. Comment expliquer qu’une personnalité politique s’élève à ce point au-dessus de la mêlée, par-delà les passions partisanes ? » Et rassemble les générations, est-on tenté d’ajouter, tant depuis sa disparition le 30 juin 2017 les hommages fleurissent – sur les réseaux sociaux mais aussi sur les murs de la capitale, où s’illustre le collectif de street art Merci Simone.

Un bloc d’intégrité

« On l’a peut-être oublié, rappelle Hugues Nancy, mais lorsque au mitan des années soixante-dix les Français portent au pinacle leur ministre de la Santé, ils ignorent tout de son histoire dans les camps de la mort. » Vingt millions de téléspectateurs la découvriront un soir de 1979, devant l’émission Les dossiers de l’écran, consacrée à l’extermination des Juifs – Simone Veil y livrera un témoignage bouleversant. Ce n’est donc pas tant la victime qu’ils honorent que ce bloc de convictions et d’intégrité qui a surgi dans la vie politique et ne cesse d’ouvrir la voie aux femmes, jusqu’au Parlement européen, dont elle tiendra la présidence. « Ce qui m’a le plus frappé en visionnant ses interviews, c’est son naturel et sa sincérité : cette femme très digne pouvait très bien se confier sur sa vie de couple. Simone Veil n’avait pas de filtre. » Une anomalie, il est vrai, dans le monde politique.

 

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